À partir de janvier 2019, tout alcool sera interdit aux personnes âgées de moins de 18 ans, à l’exception de la bière ou du vin.

Simple de prime abord, la mesure prise par la ministre fédérale de la santé Maggie de Block (open VLD) ne clarifie en rien la législation actuelle. Pour comprendre, précisons un peu les choses.

Ce que dit la loi belge jusqu’ici

Jusqu’à maintenant, la loi belge indiquait qu’il est interdit de vendre, servir ou offrir :

  • des boissons alcoolisées spiritueuses aux moins de 18 ans ;
  • tout type de boissons alcoolisées aux moins de 16 ans ;
  • des boissons spiritueuses sur le domaine des autoroutes ;
  • des boissons alcoolisées s’il persiste un doute sur l’âge : un commerçant est en droit de demander à l’acheteur de prouver son âge.

Pour de nombreux intervenants du secteur de la santé et de l’addiction, cette législation, qui distingue boissons fermentées et boissons spiritueuses, manque cruellement de clarté et ce, pour plusieurs raisons :

  • la définition de « boissons spiritueuses » est difficilement compréhensible, peu connue du public et aucune information n’est disponible sur les contenants pour rendre compte de cette distinction. Dans les faits, cela concerne toute boisson alcoolisée obtenue par distillation : kirsch, cognac, rhum, vodka, whisky, pastis, gin, liqueurs, etc.
  • la distinction faite sur le mode de fabrication de l’alcool, c’est-à-dire entre les spiritueux et les alcools obtenus par fermentation (bières, vins, mousseux, etc.) ne permet pas au consommateur, jeune en particulier, de comprendre clairement ce qu’il peut consommer ou pas.
  • La majorité des commerçants, dans les faits, ne respectent pas la législation et vendent encore facilement des boissons alcoolisées à des moins de 16 ans, notamment parce que la loi est incompréhensible, et rien n’est spécifié non plus sur l’âge de celui qui peut vendre, servir ou offrir.

Voir notre analyse critique à ce sujet

Ce que propose (ou pas) Maggie De Block

Consciente que les règles relatives à l’alcool sont trop complexes, la ministre a donc pris la décision de n’autoriser « officiellement » que les vins et les bières pour les 16 – 18 ans dès janvier 2019. Cette volonté de clarification est intéressante, mais pourquoi garder une distinction faite sur le mode de fabrication de l’alcool ? Devons-nous tous être des spécialistes de la fermentation et la distillation pour comprendre ?

Dans les faits, elle ne change donc rien : d’une part ces alcools étaient déjà autorisés pour cette catégorie d’âge jusqu’à maintenant, d’autre part, cette mesure qui paraît de prime abord simplifier les choses (tout le monde sait ce qu’est du vin ou de la bière), n’est en réalité pas applicable dans le marché actuel de l’alcool qui est devenu beaucoup plus diversifié et complexe.

Il s’agit donc d’une proposition vide d’implications, et vu les positions antérieures de l’Open VLD sur ces questions (ils ont été largement responsables à trois reprises – 2013, 2015 et 2017 – de l’échec de l’adoption d’un Plan alcool digne de ce nom), ne s’agirait-il pas d’une manœuvre de diversion en vue de cacher l’inactivisme et la lenteur du gouvernement belge à avancer sur les questions d’alcool ?

Un coup d’épée dans l’eau

Si l’objectif de la ministre De Block était de clarifier la réglementation afin de faciliter sa compréhension ainsi que le contrôle de la vente d’alcool, il n’est clairement pas atteint. De nombreuses situations particulières sont encore paradoxales : une bière aromatisée à la tequila titrant 5°, par exemple, ne pourra pas être vendue à une personne de moins de 18 ans car elle contient un arôme de spiritueux, alors qu’une bière spéciale forte titrant 12° pourra l’être sans problème. Quels sont donc les objectifs de la Ministre ? Protéger les jeunes des alcools dits « forts » ou soutenir le secteur brassicole ?

En juillet 2017, la ministre elle-même avait demandé au Conseil Supérieur de la Santé d’élaborer une série de recommandations en matière de consommation d’alcool à moindres risques. L’avis du CSS a été rendu en juin 2018, et ses recommandations ouvraient la voie à de nombreuses solutions (lire l’avis du CSS).

Le Groupe « Jeunes, Alcool & Société » avait également proposé plusieurs mesures à la ministre, dont certaines pour clarifier la loi actuelle (par exemple : de fixer à 16 degrés d’alcool la limite à ne pas dépasser pour les 16 ans et plus. 16 ans, 16 degrés. Facile à retenir et simple d’application car cette info est présente sur tous les contenants vendus dans le commerce). La ministre avait donc tous les atouts en main pour prendre les décisions qui conviennent mais a visiblement décidé de ne pas en tenir compte.

Un coup d’épée dans l’eau, donc, pour une thématique qui mériterait qu’on l’attaque à bras-le-corps. Il en va de la santé de tous !

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