Notre analyse critique

Loi du 10/12/2009 : une avancée intéressante…

La vision de l’alcool a évolué, que ce soit dans la législation ou les préoccupations politiques. Les premiers textes de loi, peu détaillés au début de siècle, ont fait place à des lois liées à d’autres aspects tels que la publicité ou les mineurs.
Malgré tout, les textes de lois en la matière d’alcool sont encore bien trop flous et peu connus. Qu’est-ce qui est autorisé, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Que signifie ”boisson spiritueuse” ? …
Pourtant, le rappel de la règle peut être un bon levier si elle est compréhensible et pour cela, elle doit être simplifiée. Ceci est en partie le cas avec la nouvelle législation de 2009 qui facilite légèrement l’intégration de la règle quant aux lieux où l’on peut se procurer de l’alcool (uniformisation aux magasins, grandes surfaces ainsi qu’aux débits de boissons). Celle-ci témoigne également d’une volonté politique de se préoccuper de la loi et de la clarifier.

…mais pas suffisante !

La loi de 2009 a le mérite de clarifier quelque peu les règles en matière de vente, de distribution et d’offre mais elle reste encore beaucoup trop nébuleuse, fait encore défaut et ce, pour plusieurs raisons :
– Tout d’abord la définition d’une ”boisson spiritueuse” qui reste encore trop peu compréhensible par tous, à commencer par les consommateurs et les commerçants ; même les juristes éprouvent des difficultés à y voir clair.
– Ensuite, la distinction entre spiritueux et alcools fermentés qui est trop complexe et ne permet pas au consommateur de bien assimiler la règle. De plus, elle contribue à renforcer certains stéréotypes ne favorisant pas une consommation responsable (ex : ”de la bière, ce n’est pas de l’alcool”). Cette distinction résulte notamment d’un lobby brassicole efficace, témoignant du poids considérable des enjeux financiers au détriment des intérêts de santé publique.
Les parents sont concernés par cette législation. En effet, il n’est nulle part précisé que cette loi concerne uniquement la mise à disposition des boissons alcoolisées à des fins commerciales ou promotionnelles. Les parents sont dès lors inclus, même dans le cadre privé, ce qui ne laisse pas place au rôle éducatif, levier pour un apprentissage progressif et responsable des consommations.
– Par ailleurs, plusieurs enquêtes ont montré que la grande majorité des magasins (de 87 à 92% selon les études du CRIOC et de Test-Achats) vendaient des boissons alcoolisées à des moins de 16 ans, alors que la loi l’interdit (suite à leurs contrôles, le SPF Santé publique enregistre également une hausse de 15% des procès en 2014). La législation en vigueur reste donc peu appliquée sur le terrain. Si l’on veut être efficace, il paraît important de renforcer l’application du contrôle réglementaire en ce qui concerne la promotion, la commercialisation et la vente au détail des boissons alcoolisées.

En conclusion…

Cette nouvelle loi risque bien de mettre un temps considérable à être intégrée par le plus grand nombre et maintient une série de flous encore trop importants, ce qui ne facilite pas le travail préventif que les acteurs de terrain mènent au quotidien.

L’amélioration de la législation, sa compréhension, son application et son contrôle sur le terrain sont des étapes nécessaires. Mais ces mesures devraient surtout être largement soutenues par des actions éducatives, de prévention, de promotion de la santé et de réduction des risques (leviers principaux pour une modification efficace et durable de comportements inadéquats), et mises en œuvre par les institutions compétentes et soutenues par les pouvoirs publics au moins autant que ne le sont les mesures ”sécuritaires” et coercitives, ces dernières constituent souvent le premier réflexe du législateur au détriment de l’éducation, pourtant plus efficace à long terme.

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